• Hétéroclite - Feux croisés (3)

    Hétéroclite - Feux croisés (3)Troisième livraison pour Feux croisés, ma chronique culturelle pour Hétéroclite (n° 73). Cette vieille haine qui bouge parle des anti-mariage gay, s'attarde sur la comédie serbe La Parade et évoque le passionnant essai historique Le Dossier secret de l'affaire Dreyfus (Alma éditeur). 

    Hétéroclite - Feux croisés (3)

     

     

    Hétéroclite - Feux croisés (3)

    CETTE VIEILLE HAINE QUI BOUGE

    Il faudra voir La Parade, le mois prochain (le film sort le 16 janvier). Non pas parce que cette comédie serait un chef-d'œuvre mais parce qu'elle nous dit entre autres d'où nous venons, et où nous sommes, et ce n'est jamais anodin de se confronter au passé. La Parade parle pourtant d'aujourd'hui, et d'ailleurs, puisque cela se déroule en Serbie. Et pourtant. Et pourtant. Derrière la farce organisée par le réalisateur pour raconter les difficultés à organiser une Gay Pride à Belgrade, ce sont bien nos propres difficultés à faire advenir le mariage homo qui apparaissent, tant les fachos au front de bœuf qui entreprennent de casser là-bas du pédé ne sont rien d'autre que les frères frustres et sans édulcorant des intégristes de Civitas qui organisent ici des manifs dont l'homophobie ne se masque même plus, et qui se terminent elles aussi dans l'injure et la violence. Ce qui est à l'œuvre à l'écran dans ce Belgrade en pleine préhistoire des luttes pour les droits LGBT, et devant nos yeux au fil des interminables semaines que le gouvernement a choisi de laisser filer sur cette question du mariage, c'est bien la résurgence de cette même vieille haine qui n'en finit pas de bouger. Elle se nourrit, encore et toujours, aux mêmes mamelles des tenants d'un illusoire ordre naturel des choses et de la religion— des religions plutôt, toutes unies pour une fois en ce combat douteux…

    L'étonnant, c'est que cela nous étonne. L'étonnant, c'est qu'on ait oublié, tous, collectivement et individuellement, que cela ne pourrait que se passer ainsi, dans l'affrontement, dans la douleur, car nos droits, notre reconnaissance, jamais, nulle part, ne vont de soi ! L'histoire, ancienne (celle de l'affaire Dreyfus, dont le formidable essai Le Dossier secret de l'affaire Dreyfus, nous révèle que l'homophobie sociétale fut un des ressorts cachés de l'accusation contre le capitaine) et récente (les débats sur le Pacs), nous le dit, nous le redit, nous le répète mille fois.

    Mais nous nous sommes endormis. Nous nous sommes embourgeoisés. Nous avons oublié que l'homosexualité apparaît toujours comme une menace aux yeux des tenants de l'ordre établi — et des homosexuels en font partie, ont tellement intégré ces précepts qu'ils s'en gargarisent tel Philippe Arino et son accablant manifeste anti-mariage (anti-gays en fait) L'Homosexualité en vérité — et de la famille traditionnelle. Nous avons oublié que l'homosexualité est politique. Nous avons oublié que l'homosexualité est révolutionnaire. Toujours. S'en re-souvenir est une bonne nouvelle.

    Didier Roth-Bettoni

    La Parade, film de Srdjan Dragojevic, sortie le 16 janvier ; Le Dossier secret de l'affaire Dreyfus, de Pierre Gervais, Pauline Peetz et Pierre Stutin, Alma Editeur ; L'Homosexualité en vérité, de Philippe Arino, Frédéric Almad Editeur.

    http://www.heteroclite.org

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